Fritz Brupbacher. – l’Association internationale des travailleurs. La Conférence de Londres et le Congrès de La Haye
Article mis en ligne le 29 août 2010

par Eric Vilain

Extrait de « Socialisme et liberté », de Fritz Brupbacher, Editions de la Baconnière – Neuchâtel, 1954.

Bien que l’Internationale n’eût pas tenu de congrès en 1870, le
Conseil général, c’est-à-dire Marx, ne convoqua en 1871 qu’une
conférence siégeant à huis clos à Londres et composée de délégués
soigneusement triés sur le volet. Les Jurassiens, évidemment, ne
furent même pas invités. Cette conférence de Londres correspondait
au dessein bien arrêté de Marx de faire de l’Internationale sa chose
à lui. Pour la bonne cause, sans doute, mais n’est-ce point là
l’excuse invoquée par tous les autoritaires ? La caporalisation de
l’Internationale à quoi Marx tendait de plus en plus y apparaît de
façon significative, spécialement en ce qui concerne les quatre
points suivants. Le premier a trait à la fixation du « dogme politique »
proclamé par les statuts. Jusque-là avaient eu force de loi deux
rédactions que tout le monde avait toujours considérées comme
également valables : une rédaction originale anglaise (fidèlement
traduite en allemand par Marx) énonçant que la libération de la
servitude économique constituait le grand but de l’Internationale, et
auquel toute action politique devait être subordonnée as a means,
comme un moyen ; et une rédaction française ainsi conçue : « Que
... l’émancipation économique des travailleurs est le grand but
auquel doit être subordonné tout mouvement politique. » Or, l’an-
cienne édition des statuts était épuisée. Pour l’impression d’une
édition nouvelle (parue en mars 1870), Lafargue, gendre de Marx,
pria Paul Robin, qui était à cent lieues de se douter qu’il y avait là-
dessous manœuvre savante, pour ne pas dire, ecclésiastique, de
rétablir la littéralité de la traduction française, ce qui fut fait : « Que ...
l’émancipation économique des classes ouvrières (put-on lire
désormais dans le nouveau texte) est le grand but auquel tout mou-
vement politique doit être subordonné comme un simple moyen. »
Ajoutons que ni Bakounine, à qui il arriva de citer le texte en ques-
tion sous sa nouvelle forme, ni les Jurassiens n’en prirent le moindre
ombrage.