Lettre ouverte à Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République
Article mis en ligne le 28 novembre 2010

par Eric Vilain

Thonon le 18 novembre 2010

[*Lettre ouverte à Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République*]

Lettre ouverte adressée par Christine MOCELLIN, syndicaliste, ex- déléguée des Fonderies Rencast à Thonon les Bains|

Monsieur le Président, Vous vous êtes exprimé mardi soir à la télévision. De nombreux thèmes ont été évoqués. Par une manipulation morale habile, vous avez fait profil-bas et vous êtes presque "excusé" devant les Français de mettre en place des réformes impopulaires « mais nécessaires », pour reprendre vos expressions. Vous vous affichez en victime, car vivement critiqué et au plus mal dans l’opinion publique. Au final, vous vous attribuez quasiment la place d’un héros, vous et votre politique allant "sauver la France"...

Pourtant, les nouvelles mesures que vous souhaitez mettre en place avec votre gouvernement, sa majorité parlementaire et le MEDEF ne sont pour le moins aucunement rassurantes. Nous savons qui, encore une fois, en paiera le prix. Vous n’avez aucune notion du ressentiment de vos concitoyens, pas plus que de la souffrance morale et physique que votre politique injuste et vos « réformes » procurent.

Le plus insupportable, c’est votre omission d’aborder l’essentiel des préoccupations de la grande majorité des Français.

Des millions de personnes de milieux très divers ont défilé et manifesté contre votre réforme des retraites qui reste la plus dure et la plus injuste d’Europe, même si vous vous dérobez en la comparant à d’autres et en particulier à l’Allemagne, en faisant abstraction de dire que les Allemands ne doivent cotiser que 35 ans pour acquérir une retraite à taux plein.

Ce que vous n’avez pas entendu, c’est la détresse de millions de personnes plongées dans des difficultés énormes, obligées de plus en plus souvent à faire appel à des associations caritatives pour survivre

Ce que vous n’avez pas entendu, c’est la colère de ces millions de mères de familles qui ne peuvent plus nourrir décemment leurs enfants par manque de revenus Ce que vous n’avez pas entendu, c’est la tristesse des milliers de gosses qui ne comprendront pas pourquoi le Père noël n’a rien déposé sous le sapin si toutefois il y en a un.

Ce que vous n’avez pas entendu, c’est le désespoir moral et physique de personnes qui souffrent et ne peuvent plus se soigner, ne pouvant cotiser à une mutuelle.

Ce que vous n’avez pas entendu, c’est la révolte de milliers d’étudiants qui galèrent pour payer leurs études et sont trop souvent obligés de faire des petits boulots, quand ils ne doivent pas abandonner celles-ci pour des raisons financières.

Ce que vous n’avez pas entendu, c’est la souffrance des résidents âgés, et des personnels, de certaines maisons de retraites, perçues plus comme des "mouroirs" que des lieux de vie, quand eux-mêmes ou leur famille ne peuvent débourser 2000 euros ou plus par mois pour accéder à des établissements adaptés et équipés.

Ce que vous n’avez pas entendu, ce sont ces milliers de foyers privés d’électricité et de chauffage cet hiver parce qu’ils ne pourront pas honorer leur factures.

Ce que vous n’avez pas entendu, c’est la souffrance au travail qui mène parfois au suicide, et laisse des veuves et des orphelins.

Ce que vous n’avez pas entendu, ce sont les SDF qui vont, encore, affronter un hiver dans la rue et peut être y mourir, victimes d’un système qui exclu les plus démunis, comme chaque année.

Certes, vous évoquez avec éloquence et grand discours l’injustice de la mort de policiers agressés par des délinquants, tout le monde en convient, c’est intolérable. Mais au même titre, est-il acceptable de laisser dans un pays riche comme la France, mourir des gens de faim et de froid sans que cela ne suscite le moindre intérêt dans vos interventions ? En fait, ce que vous n’avez pas entendu Monsieur le Président, ce sont les millions de voix de parents, de salariés, de chômeurs, de retraités, d’enfants, d’étudiants, de sans-logis, qui subissent les effets destructeurs de votre politique antisociale et profondément injuste au profit des plus riches.

Nous avons bien compris la finalité de votre intervention Monsieur le Président :

 rassurer les plus riches en leur annonçant un énorme cadeau : la suppression de l’ISF (Impôt Sur la Fortune).

 rassembler la droite, centristes compris, ratisser un maximum de voix au Front National par l’annonce de votre projet populiste sur l’immigration.

 mentir concernant la prévision de la baisse du chômage.

 enchanter le MEDEF par l’instauration d’un projet de nouvelle réforme d’indemnisation du chômage proche de celle de J.Cameron en Angleterre, qui rappelons-le, consiste à obliger les chômeurs à accomplir des tâches d’intérêts commun gratuitement sous peine de radiation. Votre projet est légèrement nuancé, mais flirte avec ce jumelage : obligation au bout d’un an de chômage d’accepter n’importe quel emploi, (une aubaine pour les employeurs qui rémunèreront à coup de lance-pierre et feront faire les travaux les plus ingrats avec, cerise sur le gâteau, une éventuelle attribution d’aides de l’Etat pour favoriser leurs embauches) : double jackpot pour le MEDEF.

 tenter d’attendrir la population par un soit disant projet d’aide à la dépendance pour lequel tous les salariés se verront contraints de payer dès 50 ans une assurance privée, avec pour tous une augmentation de la CSG, voire une suppression de leurs RTT...

Vous vous comparez, Monsieur le Président, à Barack Obama, victime lui aussi d’impopularité aux Etats Unis. Sauf que lui se bat pour l’instauration d’une protection sociale pour tous, malgré l’opposition des lobbys capitalistes qui bien sûr y perdraient gros. Vous, Monsieur Sarkozy, vous imposez un système qui détruit la nôtre. Ainsi cela gavera, encore plus, les fonds privés. Car ceux qui en auront les moyens devront souscrire à des assurances afin de compléter ce que vous supprimez. Sur ce point aussi, enchantement pour vos amis et associés des banques et assurances en tous genres, marchés financiers et actionnaires boursiers, tous ces rapaces avides de pouvoir et d’argent. Ils sont d’ailleurs déjà prêts : les campagnes publicitaires sont lancées : « plans épargne-retraite », « complémentaires santé » etc.

Pour conclure, Monsieur le Président, vos intentions sont claires : protéger les plus riches au détriment des plus modestes, votre seule loi est celle du fric et du pouvoir. Vous êtes le Président de l’injustice et de la régression sociale, et toutes vos basses manœuvres politicardes n’ont convaincues personne . D’autres solutions sont possibles et vous en êtes parfaitement conscient, mais elles impliqueraient la participation financière et le renoncement de privilèges des plus aisés, cela n’est pas votre volonté.

Alors nous vous le disons Monsieur le Président, vous nous avez procuré mardi soir le "deuxième souffle" : celui de combattre encore plus énergiquement votre politique. Car, nous aussi, nous avons des devoirs. Pour cela, nous devons reconquérir les valeurs qui sont les nôtres, celles de la solidarité, base de l’égalité des chances, et ce dans tous les domaines. Pour nous-mêmes, nos anciens, nos enfants, et nos générations futures. C’est pour cela que nous serons une nouvelle fois dans la rue le mardi 23 novembre.

Ce désespoir doit devenir mobilisateur. La misère ne doit pas être partagée mais combattue, et nous continuerons à nous y employer avec conviction et détermination. Vous nous en avez, encore mardi soir, donné toutes les raisons. Vous n’êtes, Monsieur Sarkozy, que le Président des fabricants de misère, et certainement pas un héros. Nous, les millions de victimes de votre politique, nous avons d’autres ambitions : celles de la justice sociale et d’une vie décente pour tous !