– Le procès contre Karl Liebknecht à propos de son livre « Militarisme et antimilitarisme »
René Berthier
Article mis en ligne le 14 mars 2011
dernière modification le 16 mars 2011

par Eric Vilain

En 1907 Karl Liebknecht passa en jugement à Leipzig pour un livre qu’il écrivit, Militarisme et antimilitarisme. L’époque est troublée par les tensions nationalistes exacerbées, par la répression contre les opposants à la guerre. Un journal français, Le Temps, publia un article sur ce procès. Cet article est intéressant pour la révélation qu’il donne du contexte de l’époque. Nous le proposons à l’attention du lecteur, précédé d’une courte biographie de K. Liebknecht et d’un commentaire de l’article.

Karl Liebkecht est connu dans le mouvement révolutionnaire comme un des fondateurs, avec Rosa Luxembourg, de la Ligue Spartakus qui joua un rôle dans la révolution allemande après la fin de la Première guerre mondiale. Il est aussi connu aussi pour avoir été, toujours avec Rosa Luxembourg, ignoblement assassiné par les corps francs à la solde du gouvernement dirigé par les social-démocrates.

Au sein du parti social-démocrate allemand, il joue un rôle déterminant dans la création d’un mouvement international de jeunes. C’est à ce titre qu’il publie en 1907 un livre, Militarisme et antimilitarisme, qui lui vaudra d’être poursuivi par la justice allemande. Le procès ne passa pas inaperçu en France car dans les deux pays un vent de guerre soufflait et tous les observateurs étaient attentifs au moindre signe de refroidissement de la température entre Berlin et Paris. Au sein de la IIe Internationale, dont les anarchistes avaient été définitivement exclus au congrès de Londres en 1896, la question de l’antimilitarisme, comme celle de la grève générale à déclencher en cas de guerre, étaient en débat. Mais le débat n’était pas équilibré. Les socialistes allemands votaient dans les congrès de l’Internationale des résolutions fourre-tout mais refusaient catégoriquement tout réel débat sur ces deux questions, sur lesquelles les socialistes français étaient de toute évidence beaucoup plus mobilisés. Dans le mouvement syndical allemand, il était acquis qu’on n’abordait pas de questions politiques, celles-ci restant le monopole du parti. Mais la CGT en France était elle, très mobilisée et active.

Lorsque Liebknecht publia son livre, et surtout lorsqu’il fut inculpé pour cela, beaucoup d’observateurs se tournèrent vers Leipzig, où se déroulait le procès. Le compte rendu que fait de ce procès un journal réactionnaire français de l’époque, Le Temps, du 12 octobre 1907, est extrêmement instructif car il révèle le point de vue de la réaction française sur les antimilitarismes allemand et français. L’auteur de l’article lui-même estime que les débats de ce procès seront « curieux à suivre, notamment du point de vue français », car on peut voir en quoi « les antimilitaristes allemands diffèrent des antimilitaristes français ». Sans vouloir faire du Temps l’arbitre ou le juge de la nature et de la valeur des antimilitarismes des deux pays, l’optique que l’article nous livre n’est pas sans intérêt et présente pour le lecteur d’aujourd’hui l’avantage de nous plonger en plein dans le contexte de l’époque.