BRÉSIL : DÉBAT SUR L’« ANARCHO-MARXISME »
Carlos Moreira & Nildo Viana. – Réponse d’Éric Vilain
Article mis en ligne le 24 juin 2011
dernière modification le 1er février 2024

par Eric Vilain

Dans les années 1990-2000 eut lieu au Brésil un débat sur l’« anarcho-marxisme », concept dont on pourrait penser qu’il se rapproche du « marxisme libertaire » dont Daniel Guérin s’était fait le porte-parole. En fait, cela n’a rien à voir, même si, au détour d’une page, le nom de Guérin est parfois mentionné.

Ce débat était en fait l’expression d’un clivage survenu au sein du courant marxiste, opposant les tenants d’une certaine « orthodoxie » et ceux qui entendaient revisiter le marxisme « à la lumière » d’auteurs jusqu’alors considérés comme marginaux. Outre Rosa Luxembourg, la liste de ces auteurs – Anton Pannekoek, Paul Mattick, Otto Rühle, Helmut Wagner, etc. – suffit pour qualifier ce courant : il s’agit de la gauche communiste constituée dans les années 20-30 en opposition à la politique de l’Internationale communiste, plus précisément la gauche germano-hollandaise, le communisme de conseils ou l’ultra-gauche.

Ce courant, dont Nildo Viana est ici le représentant, récuse le qualificatif d’anarcho-marxiste. On s’aperçoit alors que ce sont les « orthodoxes » qui qualifient ainsi les « dissidents », lesquels par ailleurs, ne nient pas l’existence dudit « anarcho-marxisme ».

Il ne faut pas entendre le qualificatif « orthodoxe » dans le sens où il était compris en France, de communistes liés à Moscou. Ce sont, semble-t-il, plutôt des trotskistes, en tout cas des militants qui se réclament de la tradition léniniste, dont Carlos Moreira est le représentant dans le débat ci-dessous. Les « anarcho-marxistes » s’opposent aux dogmes fondamentaux du léninisme, à savoir la dictature du prolétariat, la « période de transition », etc., et préconisent l’autogestion immédiate. On comprend dès lors que les « orthodoxes » les accusent de flirter avec l’anarchisme, tout en les distinguant clairement de l’anarchisme.

Cependant, la controverse entre Carlos Moreira et Nildo Viana va bien au-delà. Elle montre l’état des débats qui existaient au Brésil à cette époque, elle montre aussi comment les principaux thèmes anarchistes étaient perçus par les militants marxistes d’un bord ou de l’autre. C’est là surtout la raison pour laquelle nous avons cru bon d’intervenir dans ce débat, ne serait-ce que tardivement.

E.V.