Les historiens de la Restauration et le « matérialisme historique »
René Berthier

Source :
Extrait de « Essai sur les fondements théoriques de l’anarchisme » :
http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/-_Essai_sur_les_fondements_theoriques_de_l_anarchisme_-.pdf

Article mis en ligne le 8 août 2011

par Eric Vilain

Les historiens de la Restauration et le « matérialisme historique »

La philosophie de l’histoire du XVIIe siècle ne connaissait que l’individu et les grands hommes. Avec le XIXe siècle les masses vont faire leur entrée en scène. L’œuvre de l’historien Augustin Thierry exprime bien ce changement :

« C’est une chose bien simple que l’obstination des historiens à n’attribuer jamais aucune spontanéité, aucune conception aux masses d’hommes. Si tout un peuple émigre et se fait un nouveau domicile, c’est, au dire des annalistes et des poètes, quelque héros, qui pour illustrer son nom, s’avise de fonder une empire ; si de nouvelles coutumes s’établissent, c’est quelque législateur qui les imagine et les impose ; si une cité s’organise, c’est quelque prince qui lui donne l’être : et toujours le peuple et les citoyens sont de l’étoffe pour la pensée d’un seul homme. » (Lettres sur l’histoire de France.)

L’idée que les formes de la production économique et les structures sociales qui en résultent sont en inter-relation, et l’idée que la lutte des classes – ou d’une façon générale les contradictions internes à une société – sont un facteur d’évolution historique, ne sont absolument pas des inventions de Marx.

Sur le premier point, Proudhon avait très clairement désigné les rapports qui unissent les structures politiques à l’économie, la détermination des phénomènes politiques par le système économique. Il n’entre pas dans notre propos de faire une analyse comparative des positions de Proudhon et de Marx sur la question. Un an avant la publication du Manifeste, Proudhon avait publié son Système des contradictions économiques, dont le titre lui-même est suffisamment explicite. Il convient cependant de dire que Proudhon ne limite pas l’histoire de l’humanité à l’idée simpliste selon laquelle elle serait l’histoire de la lutte des classes. Par le concept de « société économique », il entend désigner les rapports de production et la division de la société en classes antagoniques – il parle bien de « guerre du travail et du capital » –, mais aussi les phénomènes politiques et idéologiques qui constituent, avec les déterminations économiques, un ensemble inséparable. Bakounine reprendra l’idée que la primauté des déterminations économiques dans l’explication des phénomènes historiques, pour réelle qu’elle soit n’est que relative et que les faits politiques, juridiques, idéologiques, « une fois donnés, peuvent devenir des « causes productives d’effets »

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