Octobre 1977 : Compte rendu par un observateur de la Fédération anarchiste de la Conférence UTCL/AS, Paris
Article mis en ligne le 27 juin 2019
dernière modification le 30 juin 2019

par Eric Vilain

INTRODUCTION

J’ai retrouvé en rangeant mes archives un certain nombre de documents relatifs à l’Alliance syndicaliste et à l’UTCL, l’ancêtre d’Alternative libertaire. Le texte présenté ici est le compte rendu d’une « Conférence des travailleurs libertaires » qui eut lieu à Paris en octobre 1977, à laquelle assistèrent l’Alliance syndicaliste, l’UTCL, le groupe anarcho-syndicaliste de Rouen avec une délégation nombreuse d’une douzaine de personnes, des camarades de Bordeaux, deux camarades de Perpignan arrivés le vendredi 26 octobre en fin d’après-midi (mais qui faisaient partie de la délégation rouennaise), et divers observateurs, dont Jean-Louis Laredo, de la Fédération anarchiste, militant du groupe Fresnes-Antony et mandaté par les Relations extérieures de la FA.
Les camarades de l’UTCL avaient la dernière mouture de "Tout le pouvoir aux travailleurs" qui faisait grande place au léninisme sans vouloir trop le laisser paraître.

Une seconde conférence, la Conférence nationale des anarcho-syndicalistes (CNAS), aura lieu en septembre 1978 à Sotteville-lès-Rouen, à l’initiative du Groupe anarcho-syndicaliste de Rouen et de l’Alliance syndicaliste. Y furent présents des groupes FA, la FA à titre d’observatrice, mais aussi la CNT (Vignolles), la CNT (Tour d’Auvergne), l’UTCL, l’UAS, le Syndicat autogestionnaire des travailleurs (SAT) de Lyon et des individus indépendants.

La réunion de Paris d’octobre 1977 ne connut pas de suite réelle en ce qui concerne l’UTCL. En revanche la CNAS, née en septembre 78 à Rouen,poursuivit sa route et s’étoffa à partir de la réunion suivante à Lyon…

Le texte joint est le compte rendu que fit Jean-Louis Laredo de la rencontre de Paris d’octobre 1977. Il prend une signification toute particulière au lendemain de la fusion AL/CGA.

Merci à Edward Sarboni pour les précisions qu’il a apportées à cette introduction.

René Berthier
26 juin 2019

Le document est une photographie du texte dactylographié de Laredo, pas de très bonne qualité, par conséquent.

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Commentaire de Serge Aumenier, ex-militant de l’Alliance syndicaliste

Je me souviens effectivement de cette conférence à laquelle j’avais participé avec le groupe de la région parisienne de l’Alliance Syndicaliste = ASRAS (Alliance syndicaliste révolutionnaire et anarcho-syndicaliste). 
En fait, mes impressions étaient que l’UTCL souhaitaient une fusion avec l’Alliance Syndicaliste, pensant probablement en prendre la "direction". Le compte-rendu détaillé qu’en fait Jean-Louis Laredo pour la FA reflète bien les nombreux points de divergence entre les deux organisations.
Le point essentiel pour moi est que l’objectif de l’UTCL était de constituer dans les entreprises un "front de classe" intégrant diverses organisations d’extrême-gauche, dont la nouvelle organisation constituerait le pôle libertaire, renforcé par l’arrivée des militants de l’Alliance.
Cette stratégie fleurait bon le léninisme, mettant en avant ceux que j’appelais à l’époque les GECO (Guides éclairés de la classe ouvrière).
Cela passait sans doute par la prise de postes de permanents dans les syndicats. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé par la suite dans diverses structures, telles à l’École Émancipée, qu’une alliance UTCL-LCR tenta de saborder.

Cette opinion était largement partagée par les militants de l’Alliance, renforcée par certaines pratiques "gauchistes" dans leur gestion des débats durant ces trois jours. 

Un petit rappel historique concernant l’UTCL pour ceux qui n’ont pas connu cette période :
• En 1974 naît au sein de l’ORA (Organisation révolutionnaire anarchiste) une tendance "Union des travailleurs communistes libertaires", critiquant ses dérives ultra-gauche.
• En 1976 l’ORA exclut l’UTCL et se rebaptise Organisation des communistes libertaires (OCL). Pour la petite histoire, l’ambiance de ce Congrès fut extrêment violente.
• L’UTCL est rejointe par des "personnalités" telles que Daniel Guérin et Georges Fontenis.
• Fin octobre 1977 : Conférence nationale des travailleurs libertaires à Paris. Celle-ci est convoquée à l’initiative de l’AS, du Groupe anarcho-syndicaliste (GAS) de Rouen et de l’UTCL. La FA, la CNT et l’UAS sont présents à titre d’observateurs.
• Mai 1981 : Des militants de l’l’UTCL sont présents place de la Bastille pour fêter l’élection de François Mitterrand.
• Septembre 1991 Création d’Alternative libertaire, fusion de l’UTCL et de son organisation jeunes, le CJL (Collectif jeunes libertaires)
• Parmi ses objectifs de l’époque :

« Il faut élaborer un projet révolutionnaire qui puise de façon critique dans tout l’acquis du courant libertaire ouvrier, et dans celui de l’ensemble des courants et apports révolutionnaires, y compris dans ceux de Marx et des “marxistes” non dogmatiques.
« Perspective d’une “Alternative révolutionnaire” reposant sur l’organisation de ce que nous appelons “la gauche ouvrière et syndicale”, les noyaux de travailleurs syndiqués et non syndiqués qui s’opposent au PC et au PS sur des bases de démocratie ouvrière. Nous poursuivons ainsi la problématique de l’ORA “Pour qu’une force s’assemble” en l’élargissant. » (N° 1 de TLPAT, mai 1976)

• Le texte « Les 17 années de l’UTCL » adopté au 5e et dernier Congrès de l’UTCL en juin 1991 en tire un bilan et des perspectives : 

« Dans l’esprit de contribuer à l’Alternative révolutionnaire nous participions activement aux mobilisations de l’extrême gauche.
« Peu à peu (et le recul des luttes aidant) nous avons réinvesti l’orientation “gauche ouvrière et syndicale” » dans les combats d’opposition d’une gauche syndicale. Là encore, mais dans un cadre différent, c’est l’unité entre militants politiques de diverses sensibilités, et avec de nombreux inorganisés.
« Pratiques unitaires, débats – rencontres épisodiques avec la Fédération de la gauche alternative (FGA) puis l’Alternative rouge et verte (Arev), la LCR, l’Alliance marxiste révolutionnaire (AMR), etc. –, perspective centrale de l’Alternative révolutionnaire : une ligne continue pour l’UTCL.
« Le Collectif UTCL et les animateurs de l’AS étaient prêts à la fusion ; elle échoua à l’occasion de la Conférence nationale des travailleurs libertaires de 1977. Une synthèse entre les deux courants était-elle possible alors ? Une bonne partie des anarcho-syndicalistes présents était en fait très réticente à s’organiser et nous n’étions pas non plus idéologiquement prêts. »

La question n’était pas que les anarcho-syndicalistes étaient réticents à s’organiser car ils l’étaient : ils étaient réticents à s’organiser sur les bases proposées par l’UTCL.

Serge Aumenier,
27 juin 2019