L’OPPOSITION OUVRIÈRE. – Alexandra Kollontaï
Suivi de : Avant-projet de résolution du 10e Congrès du Parti communiste de Russie sur la déviation syndicaliste et anarchiste dans notre parti
Article mis en ligne le 6 avril 2015
dernière modification le 23 octobre 2015

par Eric Vilain

L’« Opposition ouvrière » est un groupe qui s’est formé à l’intérieur du parti bolchevik en 1919 mais qui ne s’est pas manifesté ouvertement avant l’hiver 1920. Il y avait à cette époque dans le parti des débats houleux sur la militarisation du travail, que Trotski voulait introduire, et sur le rôle des syndicats. L’Opposition ouvrière était naturellement contre la militarisation du travail.

La crise économique en Russie prenait des proportions catastrophiques et de nombreux militants communistes pensaient que, face à l’incapacité totale du parti en ce domaine, le contrôle syndical de l’économie était la solution la plus rationnelle – les dirigeants syndicaux, du fait de leur proximité avec l’appareil de production, étant réputés plus compétents que les dirigeants du parti. Les meneurs les plus connus de ce groupe sont Alexandra Kollontaï et Alexandre Chliapnikov.

Le danger pour Lénine, Trotski et Zinoviev et tous les caciques du parti était extrême : la direction du parti n’a sans doute jamais été aussi près de se faire renverser qu’à ce moment-là, si les opposants avaient eu le courage de le faire. Pour ces opposants, les syndicats réalisaient « l’activité créatrice de la dictature du prolétariat dans le domaine économique », mais, malgré tout, le parti bolchevik restait « « le centre suprême de la politique de classe, l’organe de la pensée communiste, le contrôleur de la politique réelle des soviets ». Il ne s’agissait donc pas d’une réelle critique de front du régime mis en place par le coup d’Etat d’octobre 1917 ; l’Opposition ouvrière reproche tout au plus au parti son « esprit de routine ».

Ce manque de clairvoyance – ou cette lâcheté, comme on voudra – aura des effets tragiques. En effet, les analyses de l’Opposition ouvrière s’inscrivent parfaitement dans le cadre d’une crise globale du régime communiste en Russie, marquée par les défections massives que subit le parti communiste, les critiques presque unanimes contre le régime, l’accroissement d’influence des autres partis de gauche et de l’anarchisme, et l’insurrection de Kronstadt qui n’est qu’une des expressions de cette crise globale.

(Extrait de l’avant-propos)