Extrait de La charte d’Amiens de 1906 à aujourd’hui : textes du congrès de 1906 et réflexions. Publication du Groupe Fresnes Antony de la Fédération anarchiste (1987)
Jacky Toublet. – Commentaires sur la Charte d’Amiens
Article mis en ligne le 2 mai 2024
dernière modification le 8 mai 2024

par Eric Vilain

Le samedi 13 octobre 1906, le Xle Congrès de la Confédération générale du travail – XVe Congrès national corporatif – adopte une résolution, présentée par Victor Griffuelhes, secrétaire général, qui doit résumer le point de vue confédéral sur les rapports entre les syndicats et les partis politiques, question d’autant plus importante que l’année précédente un parti socialiste unifié avait réuni les diverses tendances du socialisme parlementaire.

Ce débat avait été réclamé et porté à l’ordre du jour du congrès par la Fédération du textile ; nombreux étaient les délégués qui craignaient une telle discussion publique ; parler de ce problème, dit l’un d’eux, ne pourrait « qu’avoir une répercussion dangereuse dans l’organisation syndicale » ou encore, souhaita un autre, que les « congrès corporatifs, véritables assises du travail, ne s’occupent dorénavant que des questions véritablement économiques et corporatives ».

Le délégué du Textile, Renard, militant guesdiste bien connu, réussira pourtant à lancer la discussion, en faisant référence aux trade-unions, qui avaient constitué en 1899 un comité de représentation ouvrière, et en affirmant que « les ouvriers ont à barrer la route à l’action patronale sur le terrain politique. Le syndicat ne peut pas tout faire... Si une situation révolutionnaire se produisait aujourd’hui – poursuivait-il – pourriez-vous, avec vos syndicats actuels, avec vos organisations, régler la production, organiser l’échange ? Non, vous seriez obligés de vous servir de la machinerie gouvernementale. »

Les coups de patte aux libertaires émaillaient son intervention ; il les accusaient par exemple de ne pas respecter, en contradiction avec l’apolitisme confédéral, les croyances des nationalistes et des radicaux : « Que faites-vous lorsque vous votez la grève générale expropriatrice ? Vous ne respectez pas les opinions du radical. Pas plus, vous ne respectez les opinions du nationaliste lorsque vous faites de l’antipatriotisme et de l’antimilitarisme. Ces choses ne peuvent se faire qu’au groupe politique... (Nous) nous divisons le travail. » Et il conclut en précisant que, dans le Nord, l’activité des socialistes guesdistes a permis d’organiser « 315 syndicats, 76 000 syndiqués, 12 coopératives fédérées avec 30 000 membres... »