Amédée Dunois : « Les Précurseurs »
Les Temps Nouveaux 16 septembre 1905
Article mis en ligne le 8 septembre 2013

par Eric Vilain

Au cours de cet admirable livre que sont les Mémoires de Pierre Kropotkine, des figures apparaissent, énergiques et pensives, devant lesquelles j’aime à m’arrêter. Ce sont celles des trois militants principaux de cette Fédération jurassienne de l’Internationale, où s’ébauchèrent, après 1871 et 1872, les premières formules de l’anarchisme, — Adhémar Schwitzguébel, graveur en montres, Auguste Spichiger, guillocheur, et James Guillaume, à la fois typographe et professeur.

De tels hommes, pionniers d’une aussi grande idée, méritaient de n’être pas oubliés.

Kropotkine les a fait revivre et, avec eux, le mouvement social auquel ils furent intimement mêlés, ces luttes passionnées où se heurtèrent pour la première fois, au sein du socialisme, autoritaires et libertaires. Mais ce n’était pas encore assez ; bientôt ces mêmes hommes et ces mêmes choses revivront de nouveau, et cette fois entreront dans l’histoire grâce à cette Internationale, documents et souvenirs, que prépare actuellement James Guillaume et que nous avons annoncée ici même.

En attendant cette œuvre considérable, je voudrais résumer en cet article la petite brochure que notre vieux camarade Guillaume publia naguère à Neuchâtel sous ce titre : Le collectivisme de l’Internationale. C’est un abrégé substantiel et attachant, où l’auteur a « voulu, nous dit-il, montrer comment la théorie “collectiviste” — c’est-à-dire “communiste non autoritaire” — s’est formée ; montrer quels sont ceux qui, dans la Suisse française, l’ont adoptée et propagée, et quels sont ceux qui l’ont combattue ; montrer enfin, par des citations authentiques, quelles furent la largeur d’idées et la générosité de sentiments de cette Fédération jurassienne de l’Internationale, tant calomniée, qui a toujours recommandé et pratiqué la solidarité entre tous les exploités dans la lutte contre les exploiteurs, sans avoir égard aux divergences doctrinales ».